Interview donnée en juin 2013 à une étudiante dans le cadre de la réalisation de soin Travail de Fin d'Etudes relatif à la communication de l'hôpital.
Cristina Cordisco : Pouvez-vous nous donner une définition de la communication hospitalière?
Olivier Moch : L’hôpital est une entreprise comme les autres, sa communication se définit donc d’une manière assez similaire. Bien entendu, la communication hospitalière est cadrée par certaines règles imposées, notamment en termes de relations avec les médias, par des organismes comme l’Ordre des Médecins ou encore par l’interdiction de faire de la publicité. Il s’agit donc, en ce qui concerne la communication externe (surtout) de l’hôpital, de correctement faire la distinction entre l’information et la publicité avant de communiquer. Mais dans l’ensemble, la communication externe d’un hôpital a pour mission de créer, de développer et d’entretenir l’image de l’institution aux yeux de ses différents publics et de positionner l’institution dans un paysage socio-économique. La communication externe de l’hôpital, comme celle d’une entreprise traditionnelle, répond à la logique suivante : Informer => Définir l’identité => Positionner => Faire (re)connaitre => Fédérer les publics => (se) Vendre. On informe en externe pour créer, développer et entretenir l’image de l’hôpital afin de positionner l’hôpital dans son paysage socio-économique ; on se positionne pour faire connaitre ou reconnaitre l’expertise de l’hôpital, son savoir-faire, ses points forts, ses atouts ; on se fait (re)connaître pour sensibiliser le public, le fédérer autour de la marque que représente l’hôpital afin de fidéliser ce public et lui ‘’vendre’’ des soins de santé.
Quant à la communication interne, elle s’appuie sur une logique différente axée sur l’adhésion du personnel aux valeurs, aux missions et aux projets de l’institution. Informer => Expliquer => Convaincre => Faire adhérer. On informe en interne pour expliquer au personnel un projet, un changement, des valeurs ; on explique ce projet, ce changement, ces valeurs pour convaincre le personnel d’y adhérer ; on convainc pour faire adhérer le personnel, le motiver à embrayer sur le projet, le changement ou les valeurs…
La communication de l’hôpital est, en quelque sorte, son marketing, elle repose d’ailleurs sur trois axes essentiels du marketing :
- l’attraction du client/patient vers ‘’notre’’ hôpital plutôt qu’un autre hôpital ;
- la construction de la marque de ‘’notre’’ hôpital ;
- la conservation du personnel.
Cristina Cordisco : Quelles différences faites-vous entre l'image d'une institution et l'identité d'une institution?
Olivier Moch : Ces deux notions sont intimement liées, l’image de l’institution fait partie de son identité. L’identité d’une entreprise repose sur trois aspects :
- son image, c'est-à-dire ce qu’elle renvoie aux différents publics internes et externe, la manière dont ces publics perçoivent l’entreprise ;
- sa communication, c'est-à-dire la relation qu’elle entretient avec les différents publics internes et externes, la façon qu’elle a de diffuser des informations vers ces publics ;
- sa culture, c'est-à-dire sa philosophie, ses comportements, sa manière d’agir, les valeurs qu’elle promeut.
Mais c’est aussi, à mon sens, une question de perception. L’identité de l’entreprise est le profil que ses dirigeants veulent lui donner, la vision qu’ils veulent donner de l’entreprise ou de l’institution ; quant à l’image c’est ce que l’entreprise renvoie réellement, ce que les publics perçoivent réellement. Parfois (souvent), il y a une différence entre les deux… L’image que l’on veut donner n’est pas l’image qui est perçue, il y a alors un déficit en communication qui doit être analysé pour être réparé.
Cristina Cordisco : Quels sont les supports de la communication institutionnelle?
Olivier Moch : C’est une question vaste ! En fait, tous les supports de communication peuvent et doivent être utilisés par l’hôpital pour sa communication. En interne cela va du journal d’entreprise à l’intranet en passant par l’événementiel (fête du personnel, incentives…), les notes de services, les réunions de travail, les journées d’accueil de nouveaux agents, l’affichage, l’e-mailing interne… sans oublier les NTIC comme une webTV, une radio numérique et, pourquoi pas, des médias sociaux. En externe, on pointera les classiques relations-médias, événementiel médical (colloque, symposium, conférences…) et non-médical (inauguration de service, portes ouvertes, sensibilisation grand public…), le site internet (qui reste indispensable même si dépassé). On y ajoutera également des médias sociaux qui sont, à mon sens, devenus incontournables dans toute stratégie de communication externe comme les réseaux sociaux et/ou un blog (qui assureront davantage d’interactivité avec les publics que le site internet) ou une webTV.
Cristina Cordisco : Sur la page d'accueil du site internet d'un hôpital, quels sont les éléments primordiaux qui doivent être présent?
Olivier Moch : Et bien, il y a d’abord les mentions légales obligatoires ! Savez-vous que, selon une enquête menée en 2012 par e-mail Brokers, plus de 91 % des sites web belges ne sont pas conformes à la législation belge en 2012*. Ces mentions obligatoires sont le nom de l’entreprise, son siège social, un n° d’entreprise ou de TVA, sa forme juridique, ses licences ou codes de conduites éventuels, un registre des personnes morales et des données de contact. Toutes ses infos ne doivent pas forcément figurer en page d’accueil mais pour leur visibilité légale, c’est préférable. Idéalement, cette page d’accueil doit renseigner le visiteur sur l’identité (on y revient) de l’hôpital, mettre en avant ses valeurs et ses missions. Elle doit aussi renseigner sur le contenu du site, sur ce que le visiteur pourra y trouver en entrant dans les autres pages.
Cristina Cordisco : Graphiquement, comment une homepage doit-elle être agencée?
Olivier Moch : Je pense qu’un web designer serait plus à même de répondre clairement et précisément à cette question, d’autant plus que je ne suis pas un adepte du site internet. Je considère, même s’il doit toujours exister, que le site internet est un outil dépassé qui manque de dynamisme et d’interactivité. Je dirais, cependant, que la homepage doit être percutante car c’est le premier contact du visiteur avec le site corporate. Elle doit donc être sobre, simple et percutante mais n’étant pas un spécialiste du graphisme internet, je n’irai pas plus loin.
Cristina Cordisco : Un hôpital présent sur les réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter, n'est-ce pas une initiative entachant la crédibilité de l'hôpital?
Olivier Moch : Absolument pas ! Aujourd’hui pour un hôpital comme pour toute autre entreprise, développer une stratégie médias sociaux est essentiel. D’ailleurs, de plus en plus d’hôpitaux belges l’ont compris et y viennent. Pourquoi un hôpital (ou une autre entreprise d’ailleurs) se priverait-il d’un outil de communication qui offre un public aussi vaste que celui des médias sociaux ? Je vous rappelle que l’on vient de franchir le cap des cinq millions de Belges sur Facebook, que Twitter compte plus d’un million de membres dans notre pays et que LinkedIn est le média social qui présente la plus forte croissance en Belgique… Ce sont des faits que tout bon communicateur ne peut ignorer ! Je vais vous donner un exemple concret, j’ai mis récemment sur le page Facebook du CHR de la Citadelle, l’hôpital pour lequel je travaille, une information relative à une collecte de sang organisée à l’hôpital. Cette information à été vue, en l’espace de deux jours, 6852 fois dont 268 fois de façon organique (c'est-à-dire par des personnes qui aiment la page et qui ont vu passer l’info sur leur fil d’actualité ou qui l’ont vue directement sur la page du CHR de la Citadelle) et, surtout, 6632 fois de façon virale (c'est-à-dire par le partage de l’information par des amis ou des amis d’amis…). Mettre l’information sur la page Facebook de l’hôpital m’a pris au maximum une minute de temps… Quel autre média permet de toucher 6852 personnes en une minute de travail ? Aucun ! C’était la première fois que nous relayions une collecte de sang via les médias sociaux, au résultat, en faisant une campagne identique aux autres mais en y ajoutant en plus la page Facebook, nous avons quasiment doublé le nombre de poches de sang récoltées ! Bien utilisés, avec une stratégie adaptée, les médias sociaux peuvent ajouter de la crédibilité supplémentaire à l’hôpital !
Cristina Cordisco : Quels sont les avantages/inconvénients des réseaux sociaux?
Olivier Moch : Les avantages sont assurément plus nombreux que les inconvénients ! Parmi les inconvénients, l’on évoque souvent le temps nécessaire à la gestion des médias sociaux, certains pensent même encore qu’il faut quasiment assurer une présence H24 pour éviter les dérapages. Ce n’est évidemment pas le cas. Il existe des outils de veille qui permettent d’alerter le gestionnaire sans l’obliger à être présent en permanence. Un autre inconvénient que j’entends souvent évoquer est le manque de budget. Organiser et gérer des médias sociaux ne représente pas un coût insurmontable, il s’agit d’intégrer ces moyens de communication à la palette des outils de communication de l’entreprise. L’engagement d’un Community Manager n’est pas obligatoire, dans un hôpital (puisque c’est le secteur qui nous occupe), le service communication peut prendre ce rôle en charge moyennant une formation éventuelle de l’un ou l’autre de ses collaborateurs. Alors, il y a évidemment l’interactivité permise par les médias sociaux. Etre sur Facebook c’est tendre le bâton pour se faire battre ai-je souvent entendu ! On ouvre un espace à la critique (critique négative étant évidemment sous-entendu) ! La critique a-t-elle attendu les médias sociaux pour exister ? Non ! Le bouche à oreille est le premier vecteur de critique, pas besoin de Facebook ou Twitter pour s’exposer à la critique… Les médias sociaux sont des amplificateurs de la critique ou de la rumeur, elles se véhiculent plus vite, c’est un fait, mais pas des générateurs de la critique.
A côté de ces inconvénients (qui n’en sont pas entièrement à mon avis), il y a quantité d’avantages que l’on ne peut nier. Les médias sociaux permettent de diffuser rapidement une information et de la viraliser (cf l’exemple de la collecte de sang évoqué plus haut), de fédérer un public autour d’une marque (le nombre de ‘’J’aime’’ d’un page Facebook ou les followers), de créer de l’interaction avec ce public au travers une communication horizontale (quasiment ‘’entre amis’’, d’égal à égal voire one to one). Ils permettent aussi, si l’on fait des liens vers le site internet corporate, d’améliorer le trafic et le référencement de ce site corporate. Enfin, de plus en plus, les médias sociaux deviennent des outils de recrutement.
Bien entendu, il ne s’agit pas d’être présent sur les médias sociaux parce qu’il faut y être ou parce que c’est tendance ! Il s’agit de développer une vraie stratégie qui repose, sans entrer dans les détails, sur trois axes : une diversification des médias utilisés (un maillage de médias sociaux pour toucher des publics divers), une qualité de réseaux (c'est-à-dire des réseaux constitués de personnes-relais efficaces, des influenceurs, des relais médiatiques, des relais politiques, des experts,… et évidemment du grand public !)
Cristina Cordisco : Selon vous, comment gérer la marque d'un hôpital sans tomber dans le schéma publicitaire?
Olivier Moch : Il n’y a qu’une seule manière : en distinguant précisément la limite entre l’information et la publicité. La limite est souvent ténue mais elle existe, elle repose sur le contenu qui, dans le cas d’une information, doit être neutre et vérifiable. Chaque message diffusé doit donc reposer sur de l’information pour le public concerné. Maintenant, ne soyons ni dupes ni naïfs, la communication de l’hôpital est son marketing donc aussi sa manière de se promouvoir. Il est essentiel de se tenir éloigné de toutes formes de partisannerie ! Le message diffusé doit être indicatif et factuel (ex. Notre Hôpital vient d’acquérir un nouveau robot chirurgical de la dernière génération afin de se tenir à la pointe de la technologie qui est un message qui repose sur un fait réel soit l’acquisition de la machine, plutôt que Notre hôpital dispose désormais d’un robot chirurgical unique dans la région qui vous assurera la meilleure des prises en charge médicale qui repose sur une comparaison, unique dans la région signifiant clairement que les hôpitaux alentours sont moins performants en la matière…).
Cristina Cordisco : Quel est votre avis par rapport au greenwashing des hôpitaux? L'écologie est-elle vraiment un besoin communicationnel pour eux?
Olivier Moch : Difficile pour moi de me positionner sur ce sujet, ne connaissant pas les éventuelles actions de greenwashing des autres hôpitaux. Je pense cependant que les hôpitaux ne sont pas forcément les entreprises qui ont le plus besoin d’avoir recours à cet éco-blanchiment, bien d’autres types d’entreprises ont un impact et une empreinte écologique pire que celle des hôpitaux. En outre, dans quantité d’hôpitaux, il y a une véritable réflexion sur l’aspect écologique, lorsque l’on pense à l’hôpital du futur, on pense automatiquement à son empreinte écologique. Dès à présent, les nouvelles infrastructures construites le sont avec des objectifs de haute qualité environnementale. La cogénération se développe de plus en plus – le CHR de la Citadelle y est passé depuis des années – et des démarches de mobilité sont mise en place. De façon générale, les hôpitaux sont des acteurs socio-économiques importants de la région dans laquelle ils se trouvent. Ce sont des phares de la région et ils ont, par conséquent, un rôle d’exemple à jouer. Mais si l’aspect environnemental est essentiel, l’aspect économique n’est pas à négliger non plus… Investir dans l’environnement et l’écologie c’est aussi souvent diminuer les coûts à moyen ou à long terme, j’en reviens à l’exemple de la cogénération qui a tout autant vocation environnementale qu’économique.
Cristina Cordisco : Dans la communication d'entreprise, les marques jouent un rôle essentiel. Pouvez-nous nous en dire plus?
Olivier Moch : De toutes manières, le nom d’une entreprise est sa marque ! Une marque est ce qui permet de distinguer un acteur économique ou social de distinguer ses produits ou ses services par rapport à ceux de la concurrence. La marque permet l’identification immédiate d’un produit ou d’une entreprise. La marque d’entreprise, ou corporate branding pour employer des termes plutôt tendance, est donc effectivement essentiel dans la communication d’une entreprise.
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* http://www.email-brokers.com/be_fr/press-area-belgium/calameo-la-belgique-en-defi-sites
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