Le 18 septembre dernier éclatait la crise des moteurs diesel trafiqués chez VW. Six semaines plus tard, le moment est opportun pour faire le point sur la communication de crise déployée par le constructeur allemand. Le moins que l'on puisse dire est que VW a fait beaucoup de choses de travers...
D'aucuns l'appellent le "Scandale Volkswagen", d'autres disent que la marque de Wolfsburg n'est pas la seule concernée par la tricherie. Quoi qu'il en soit, l'image de VW n'est pas sortie indemne de cette sombre histoire de tricherie antipollution. Volkswagen annonce une perte sèche de 1,67 milliards d'euros pour le troisième trimestre 2015(1) à laquelle il convient d'ajouter le montant des amendes auxquelles s'expose le constructeur ainsi que la perte importante liée à la chute des actions et à la revente de titres par de nombreux actionnaires. Ce fameux Diesel Gate a eu des répercussions importantes en dehors de la sphère Volkswagen. Ainsi, par exemples, la crise a rejailli sur l'UE qui, semble-t-il, était au courant de la tromperie mais cette crise a également eu la conséquence de faire perdre quelque 42 millions d'euros sous forme de revenus fiscaux à l'état belge(2) selon le parti écologiste flamand Groen. En termes de ventes, le Diesel Gate a permis, en Belgique, à la Renault Mégane de devenir le véhicule le plus acheté, détrônant ainsi la VW Golf. Au niveau mondial, Toyota, qui avait été cédé le leadership à Volkswagen à la fin du premier semestre 2015, a profité de cette crise profonde pour repasser devant VW en termes de ventes.
On le voit, cette crise chez Volkswagen a eu de nombreuses conséquences directes ou indirectes. Mais l'objet de ces quelques lignes est simplement d'analyser, avec un peu de recul, les réactions de la firme automobile de Wolfsburg dans les premiers moments de la crise qui l'a frappée de plein fouet, à la mi-septembre.
Une gestion de crise désastreuse !
La première chose qu'il me semble essentiel de pointer est que la crise ne résulte pas d'un "accident" ou d'une erreur humaine mais bien d'une tricherie sciemment organisée par Volkswagen. C'est, en effet, en pleine conscience de cause que les décideurs de VW ont mis en place cette fraude antipollution. La crise n'en est donc que plus grave puisqu'un accident est, par nature, souvent imprévisible et qu'une erreur humaine est, par définition, quelque chose qui peut toujours arriver puisque l'humain est loin d'être infaillible. En choisissant de mettre en place cette duperie, les patrons de Volkswagen savaient pertinemment que si cela éclatait au grand jour, ce serait synonyme de scandale... La moindre des chose était alors d'être préparé à une communication de crise car, et contrairement à d'autres exemples récents, cette crise était prévisible, à tout le moins envisageable !
Et pourtant, il a fallu plus de 48 heures pour que Volkswagen réagisse. A l'heure des réseaux sociaux et de l'instantanéité, 48h00 c'est une éternité. Le Diesel Gate a été largement relayé et commenté dans les médias et sur les réseaux sociaux sans que VW ne se positionne. C'est évidemment une erreur importante que de laisser cet espace médiatique s'ouvrir et s'amplifier sans tenter de s'y positionner d'une manière ou d'une autre. Mais, lorsque Volkswagen a décidé d'enfin réagir, elle l'a fait de façon vague sans vraiment d'explications, en minimisant même les choses; la communication portait surtout sur les 500.000 véhicules concernés aux Etats-Unis d'où la crise est partie alors que c'étaient plus de 11 millions de véhicules qui étaient concernés à travers le monde. En voulant minimiser la crise et en n'évoquant que les véhicules concernés sur le continent nord-américain, VW a, au contraire, contribué à l'amplification de la crise...
Alors que Toyota - qui avait connu une crise très importante, en 2009, suite à un système de freinage défectueux sur un de ses modèles (avec des morts à la clé) - avait opté pour une communication franche et axée sur la marche à suivre pour tous les propriétaires du modèle concerné (16 millions de véhicules rappelés pour contrôle quand même !), Volkswagen n'a jamais vraiment intégré les propriétaires concernés par la duperie dans sa communication. Pire, VW n'a pas rappelé une campagne de publicités télévisées diffusée dans plusieurs pays (dont la Belgique et la France) pour son nouveau Touran... diesel ! Faire la promo d'un nouveau modèle diesel au moment ou éclate le Diesel Gate, c'est une double erreur de communication et de marketing !
On doit aussi évoquer le licenciement du PDG de Volkswagen, Martin Winterkorn et son remplacement par Matthias Müller. En tant que PDG, Winterkorn a évidemment une responsabilité dans la tromperie antipollution. Il a démissionné quelques jours après le début de la crise avec la possibilité d'un parachute doré de 28 millions d'euros(3), selon le niveau de responsabilité qui sera reconnu. En matière de communication, il y a ce qui est dit mais aussi, et surtout, ce qui est retenu ! Ainsi, même si Winterkorn ne touchait pas cette somme, pour le grand public c'est tout comme... 28 millions d'euros cela represente quand même 1200 fois le salaire annuel net d'un ouvrier d'une chaine de montage automobile qui aurait été viré sèchement s'il avait volé un tournevis... En outre, pour remplacer Martin Winterkorn, Volkswagen a fait appel à Matthias Müller, le boss de Porsche... qui appartient aussi au groupe Volkswagen. Un geste fort n'aurait-il pas été de faire appel à quelqu'un d'externe au groupe, comme une façon de faire le ménage et/ou de tourner la page ?
J'ai l'impression que dans cette triste histoire Volkswagen s'est sentie imprégnée du syndrome du Too big to fail (en substance, nous sommes trop important que pour faillir ou faire faillite). Mais aucune organisation, aussi importante qu'elle soit, n'est too big to fail les exemples de BP (suite à la marée noire dans le Golfe du Mexique après l'explosion de sa plateforme Deepwater), Union Carbide (suite à la catastrophe de Bhopal en 1984) ou d'Emron (avec ses sociétés off-shore) sont assez explicites en la matière. Ces trois organisations étaient des mastodontes, des leaders dans leur secteur. BP et Union Carbide ont failli ne jamais s'en relever; Emron a totalement disparu du paysage économique américain.
L'avenir (proche) nous dira quel est l'impact réel sur Volkswagen mais, entre la perte financière directe liée au Diesel Gate, la baisse des actions et leur revente par de nombreux actionnaires et les amendes qui viendront sanctionner la fraude, la perte de VW se chiffrera en dizaines de milliards d'euros... Pas facile à encaisser !
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(1) par contre la prévision du Chiffre d'Affaire 2015 de VW laisse entrevoir une augmentation de 4% qui serait due à l'amélioration de la conjoncture économique par rapport à 2014
(2) Le scandale volkswagen a déjà coûté très cher à la Belgique, on trends.levif.be, 26 octobre 2016.
(3) Volkswagen : l'ex-PDG pourrait toucher 28 millions d'euros, on lavoixdunord.fr, 24 septembre 2016