Quitter X… une bonne idée ?

Publié par Olivier Moch sur 30 Novembre 2023, 15:54pm

L’ULB a ouvert la voie, suivie par d’autres institutions et entreprises belges. De plus en plus d’entreprises et de personnalités quittent le réseau social X. En France, la Marie de Paris Anne Hidalgo s’est aussi retirée… Pourquoi ? Et faut-il vraiment quitter X ?

Le 21 novembre dernier, Annemie Schaus, la rectrice de l’Université Libre de Bruxelles annonçait, via son profil LinkedIN, que ‘’l’ULB a décidé de suspendre ses activités institutionnelles sur X’’ ! ‘’Suspendre’’ pas ‘’cesser’’, Le wording est important ! La rectrice de l’ULB se ménage une porte de rentrée pour un éventuel retour… Les motifs avancés par Annemie Schaus sont l’évolution éditoriale depuis la reprise de X par Elon Musk, le démantèlement du service de modération du réseau ou encore le retrait de X du Code Européen de Bonnes Pratiques Contre la Désinformation en ligne… autant de motifs qui accroissent le risque de désinformation et le partage de contenus haineux et illicites, ce qui entre, dixit la rectrice, en contradiction avec les valeurs humanistes de l’ULB. Effectivement, cette décision a fait boule de neige puisque, dans la foulée, l’Université de Mons a décidé, à son tour et pour les mêmes raisons, de quitter X. Christie Morreale, la Vice-Présidente du Gouvernement Wallon a aussi annoncé récemment qu’elle quittait X… Vous avez aussi évoqué Anne Hidalgo, la Maire de Paris... Mais des contenus haineux, illicites, sexistes, homophobes… il y en a sur tous les réseaux sociaux. X est probablement et proportionnellement le plus touché par cette haine ambiante mais Facebook est loin d’être épargné… Radio France Internationale pointait, en juillet dernier, le fait que Facebook est sous le feu des critiques internationales pour ‘’incitation à la violence’’ et ‘’propagation de discours de haine’’ dans le cadre du conflit au Tigré, une province du nord-ouest de l’Éthiopie secouée par une guerre civile meurtrière… Il y a chaque année des millions de contenus haineux ou de désinformation sur Facebook. Meta avouait même, en 2021 déjà, ne pouvoir lutter que contre 3 à 5% des contenus haineux ou illicites diffusés sur sa plateforme.

TikTok aussi !

TikTok regorge également de contenus antisémites depuis de nombreux mois, bien avant le conflit qui sévit dans la bande de Gaza. Par ailleurs, une vidéo intitulée – je cite - ‘’Nique les juifs’’, réalisée dans le métro parisien, vient de faire le buzz sur la plateforme chinoise avant d’être retirée. Une action en justice a d’ailleurs été intentée. A la mi-novembre, la fameuse ‘’Lettre à l’Amérique’’ signée Ben-Laden en 2002 dans laquelle ce dernier justifiait les attaques du 11-septembre contre les Etats-Unis et les intérêts juifs a été republiée et vue plus d’un million de fois avant d’être retirée de TikTok…

Jusqu’à preuve du contraire, L’ULB est toujours bien présente sur Facebook et sur TikTok. Si effectivement elle se retire de X parce que la multiplication des contenus haineux et la désinformation vont à l’encontre de ses valeurs, c’est une décision compréhensible et louable… mais alors, l’université bruxelloise ne doit-elle pas être cohérente et se retirer aussi de Facebook, de TikTok ou d’autres réseaux sur lesquels ces mêmes valeurs sont bafouées massivement ? Mais voilà, se retirer de tous ces réseaux ce serait aussi perdre une visibilité importante…

Les valeurs ne priment pas forcément sur la visibilité !

Effectivement, sur X, si l’activité est suspendue, le compte de l’ULB est toujours bien présent, on y recense 23.000 abonnés pour 33.000 sur le TikTok et 92.000 sur la page Facebook… On ne peut pas nier l’ultraprésence de contenus illicites ou de désinformations sur d’autres plateformes sociales que X. Dès lors la cohérence aurait été de les quitter toutes ou de n’en quitter aucune tout en condamnant ces propos illicites ou de désinformation et leur absence de modération. Là j’ai un peu l’impression que ce sont des mots pour se donner bonne conscience par rapport à une plateforme qui est, de toutes façons, en perte de vitesse flagrante depuis un an…

Alors, en définitive, faut-il quitter X ? La question est délicate ! Qui utilise X en Belgique ? Les politiques, les grandes entreprises, les acteurs des milieux sportifs, les institutions comme les universités (sauf l’ULB et l’UMons désormais), les grand hôpitaux, surtout les flamands… et les journalistes qui cherchent de l’information autour de ces acteurs socio-économiques ou sportifs. La plupart de ces utilisateurs sont présents sur le réseau depuis longtemps et ont installé une routine et une communauté d’intérêt. Il y a un vrai réseau de relais d’influence sur X que l’on ne trouve pas forcément ailleurs… Donc il s’agit de mesurer le pour et le contre. On peut imaginer que l’ULB l’a fait avant de prendre sa décision. Clairement, X devient un réservoir de haine et de désinformation mais, comme nous l’avons évoqué, c’est aussi le cas pour d’autres réseaux sociaux qui au prorata présentent des pourcentages de contenus illicites et dangereux moindre mais en termes de contenus bruts représentent au moins autant de haine et de désinformation que X. Ce que je veux dire c’est que si sur X il y a 20% de contenus haineux – j’extrapole complètement – et que sur Facebook ou sur TikTok il n’y en a que 5 ou 6% et bien au prorata de l’ensemble des contenus, ces 5 ou 6% sur Facebook ou TikTok représentent plus de contenus que les 20% sur X… L’argument de la haine et de la désinformation ne me convainc pas réellement car il est aussi valable pour les autres réseaux ! De nouveau l’outil est ce que nous en faisons ! Donc finalement pour redonner un peu d’éclat à X – ou aux autres réseaux d’ailleurs – n’est-ce pas justement le moment d’y rester et d’y créer des contenus de haute qualité, à forte valeur ajoutée pour contrer la haine et la désinformation plutôt que de quitter le navire ?

Greenwashing... quand l'entreprise se donne une image trompeuse de responsabilité écologique.

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