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HcoM, le Blog...

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Blog de communication à l'attention de ceux - professionnels ou non et étudiants - qui sont intéressés par la Communication au sens large


Les 5 recommandations sur l'intelligence artificielle de l’AJP

Publié par Olivier Moch sur 25 Avril 2024, 09:13am

Catégories : #journalisme, #Presse écrite et audivisuelle, #Ethique, #Fake news, #Intelligences Articifielles

L’Association des Journalistes Professionnels vient de publier sa charte pour une utilisation transparente et éthique de l’IA dans le journalisme.

L’Association des Journalistes Professionnels (AJP) a mis en ligne ses Recommandations pour une Utilisation transparente, responsable et éthique de l’intelligence artificielle. Ce document synthétique de deux pages a également été débattu lors de l’Assemblée Générale de l’AJP, en présence de Nicolas Becquet, le journaliste de L’Echo qui était également l’un des intervenants du débat consacré à l’IA dans le journalisme, à la Maison de la Presse et de la Communication de Liège, le 27 février dernier. Cette charte – appelons-la ainsi – pointe 5 grands axes : la transparence, la responsabilité, l’éthique, le droit d’auteur et la sécurité d’emploi. 

Reprenons ces 5 thèmes séparément. 

Que préconise l’AJP en matière de transparence par rapport à l’IA ?

Que la transparence soit totale avec une identification claire des contenus créés par une IA sur tous les supports sur lesquels ils sont diffusés. Effectivement, alors que la défiance envers les médias est grandissante, il est fondamental que le consommateur de médias puisse facilement distinguer ce qui est créé par un vrai journaliste ou par une IA. L’AJP recommande aussi que toute utilisation de IA soit validée par un organe représentatif de la rédaction comme une société de rédacteurs ou de journalistes. Pour rappel ou pour information, une société de rédacteurs ou une société de journalistes est une association de journalistes constituée au sein d'une rédaction dont l’objectif est de faire respecter un minimum d'indépendance journalistique, notamment face aux pressions des actionnaires mais aussi de veiller au respect de la charte de déontologie des journalistes.

La deuxième recommandation porte sur la responsabilité éditoriale qui incombe à chaque journaliste, cela signifie-t-il qu’il faut un journaliste qui porte la responsabilité des contenus générés par une IA ?

Effectivement, les journalistes sont responsables des contenus qu’ils publient mais l’AJP rappelle justement que la responsabilité finale incombe au rédacteur en chef ! Celui-ci est le garant du respect de la déontologie liée au métier et donc il doit assumer la responsabilité de ce respect dans les contenus créés par IA. L’Association Professionnelle des journalistes recommande donc que toute utilisation de l’intelligence artificielle pour la production d’un contenu d’information soit nécessairement validée par la rédaction en chef, par la direction de l’information ou à tout le moins par un chef de service. Elle préconise aussi un contrôle systématique en amont et en aval de la publication… Cela me semble un peu trop car il y a aussi une question de confiance envers le journaliste qui a recours à une IA et qui connait les règles de déontologie de sa profession. Trop de contrôle ne peut que nuire à la confiance.

Mais certains journalistes restent frileux par rapport à l’IA, ne la maitrisent pas, par choix ou par manque de connaissance. Un journaliste liégeois me disait récemment que l’on insiste pas suffisamment sur la formation à l’IA dans son média. Il le regrettait ! Et bien dans ses recommandations sur la responsabilité éditoriale, l’AJP insiste justement sur l’importance de la formation des journalistes à l’IA générative qui doit être maitrisée. L’AJP encourage donc les responsables de rédaction à organiser des formations continue pour le personnel rédactionnel (journalistes, y compris les free-lances, éditeurs et éditrices web, les picture editors et autres infographistes). L’AJP invite également les écoles de journalisme à intégrer la formation à l’IA générative dans le cursus des étudiants en journalisme. Cela me parait tout à fait nécessaire !

Le troisième axe de recommandation , c’est l’éthique. Un aspect important du métier de journaliste…

Cette recommandation précise que l’IA doit être au service de l’information c’est-à-dire que son utilisation doit présenter un réel avantage/intérêt pour la qualité de l’information diffusée, pour sa fiabilité et sa véracité aussi. Si l’avantage n’est pas avéré, alors on n’utilise par l’IA. En clair, on n’a pas recours à l’IA générative pour gagner du temps ou parce que c’est plus simple… Un autre aspect éthique sur lequel l’AJP insiste est le secret absolu des sources – un autre principe fondateur du journalisme de qualité. ‘’Aucune donnée confidentielle ou potentiellement confidentielle et aucune information protégée par le secret des sources ne peut être transmise à une IA’’, écrit l’AJP dans son document de recommandations.

L’AJP attire également l’attention sur la prudence nécessaire lorsque les journalistes recourent à l’IA dont l’usage ne garantit ni la véracité, ni la fiabilité, ni la qualité, ni l’authenticité, ni l’impartialité des contenus créés. Le rappel est important car les algorithmes qui régissent l’intelligence artificielle ne sont pas neutres, ils manquent de nuance, de créativité et d’émotions. Contrairement à un vrai journaliste, l’IA n’a pas pour but la recherche de la vérité mais juste de faire un résumé d’autres contenus. Plus que jamais, il est important de vérifier les informations. ‘’Tout contenu produit par une IA doit être traité comme une source d’information non-vérifiée’’ affirme encore clairement l’AJP. Et si un contenu créé par IA ne peut pas être vérifié, alors il ne doit pas être diffusé !

Quatrième axe : le droit d’auteur, un sujet qui concerne particulièrement les journalistes et donc l’AJP…

Le cadre légal belge en matière d’intelligence artificielle générative est flou et incomplet. L’AJP le rappelle très clairement dans sa note. Le moissonnage – ou web scraping – qui permet l’extraction de contenus de site web se fait souvent sur des contenus protégés et à l’insu de leurs auteurs, cela inquiète l’AJP. Tout comme la transformation d’œuvres qui est forcément fait par l’IA puisqu’elle crée des contenus à partir d’autres contenus moissonné sur le web… La titularité des droits sur les œuvres produites partiellement ou totalement par l’IA fait débat. Dans l’attente de la finalisation d’un cadre légal au plan européen ou national, les médias et journalistes doivent être attentifs aux multiples aspects de droits d’auteur soulevés par l’utilisation d’outils d’IA générative affirme l’AJP.

Cinquième et dernier axe, la sécurité de l’emploi des journalistes. L’IA ne peut pas remplacer les journalistes, les éditeurs ou les photographes de presse affirme l’AJP !

Ici l’AJP met plutôt les patrons de presse en garde en disant que l’automatisation des tâches par l’IA ne peut être un prétexte pour la suppression d’emplois. Le temps de travail dégagé par l’utilisation de l’IA pour les journalistes doit servir à la production d’information de qualité pas à la réduction des effectifs. On peut même aller plus loin, en disant que l’intelligence artificielle peut, à terme, aussi être une opportunité pour la création d’emplois dans les rédactions, notamment par l‘engagement de fact-checkers pour vérifier la véracité des contenus générés par l’IA…

Alors, ces recommandations de l’AJP sont-elles fondées ?

Totalement oui ! L’intelligence artificielle est de plus en plus utilisée dans les rédactions, il faut donc clairement baliser son utilisation. Le métier de journaliste -  je ne vous apprends rien – repose sur des piliers forts comme l’éthique et la déontologie, des notions que l’IA ignore totalement. Il faut donc clairement cadrer son utilisation par les journalistes et, peut-être, surtout envers les plus jeunes journalistes et ceux qui vont arriver dans la profession. Je vais citer une enquête réalisée les 4 principales formations en journalisme de Belgique Francophone (ULB, UCLouvain, ULiège et IHECS) qui met en évidence que les étudiants en journalisme éprouvent des difficultés à définir précisément les règles déontologiques et à les appliquer dans leurs pratiques. Le rapport à l’IA des jeunes journalistes est aussi fondamentalement différent de celui de leurs ainés. Cette différence d’appréhension et les difficultés de comprendre et d’appliquer la déontologie du métier est aussi une raison de mettre en pace ces recommandations et de les faire appliquer.

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